
Les Actes des apôtres nous rapportent, ce matin, que la jeune Eglise de Jérusalem dut faire face, très tôt, au virus de la division. Les frères de langue grecque récriminèrent contre ceux de langue hébraïque parce que leurs veuves étaient désavantagées dans le service quotidien. C’était là un grave problème qu’il fallait résoudre au plus vite. Les apôtres et l’ensemble des disciples accueillirent la question, et ils surent inventer quelque chose de nouveau, que l’on appelle aujourd’hui le diaconat, pour écarter le danger…
Tout au long de son histoire, l’Eglise a du faire preuve d’imagination pour résoudre les problèmes que les circonstances lui imposaient. A la fin de ce confinement que nous vivons et qui va sans doute encore durer, l’Eglise va devoir encore une fois réfléchir, trouver les moyens les plus adaptés pour se réorganiser afin de continuer sa mission. Prions pour que nous soyons aussi imaginatifs, aussi audacieux que les premiers chrétiens pour continuer à annoncer Jésus, le chemin vers le Père.
Que le Seigneur nous aide à rester attentifs aux questions qui se posent et à chasser de nos cœurs tout esprit de division.
Homélie
Le texte d’évangile que nous venons d’écouter en ce dimanche se situe à un moment très précis de la vie de Jésus. Nous sommes au soir du jeudi-saint. Jésus se trouve avec ses disciples dans une salle qu’il a fait préparer, et il partage avec eux le repas de la Pâque. Il vient de leur laver les pieds ; il leur a annoncé que l’un d’entre eux allait le trahir, et que son heure était arrivée. C’est un moment de grande tension. Et c’est pourquoi l’évangile commence par ces mots adressés aux disciples : ne soyez pas bouleversés. Car bouleversés, ils le sont vraiment : Jésus, leur maître, vient de poser un geste inexpliquable ; il s’est mis à leurs pieds et Pierre a fortement réagi. Il vient aussi de leur annoncer qu’il va les quitter, et cela provoque une sorte de panique. Se seraient-ils trompés en laissant un jour leurs filets pour marcher derrière lui ?
Pour les aider à échapper à ce trouble intérieur qui les habite et à demeurer dans la paix, Jésus ajoute aussitôt : vous croyez en Dieu ; croyez aussi en moi. C’est là une parole très forte. Ses disciples croient en Dieu, bien sûr ; ils font confiance au Dieu d’Israël, au Dieu de leurs pères qui a si souvent sauvé son peuple dans le passé. Mais il leur demande de croire aussi en lui, un peu comme si c’était la même chose de croire en Dieu et de croire en lui. Mais les disciples ne sont pas encore rendus là : il leur reste du chemin à parcourir pour franchir cette étape, et reconnaître en leur maître leur Seigneur et leur Dieu. Demain, cela leur sera possible. Quand ils auront reçu l’Esprit-Saint au matin de la Pentecôte, toute peur ayant disparu, Pierre au nom de ses frères pourra avec audace annoncer à ceux qui l’écoutent que Jésus est le Seigneur.
Mais ils n’en sont pas encore là. Dans le texte d’évangile que nous avons écouté, Jésus donne à ses disciples son dernier enseignement
pour qu’ils restent dans la paix.
- Il les invite d’abord à croire en lui ; et ce mot croire revient 6 fois dans les quelques versets que nous venons d’écouter. Jésus sait que la foi des disciples est fragile, et c’est pourquoi il insiste tellement. Il les invite à garder confiance en sa personne, même s’ils ne comprennent pas encore vraiment qui il est, sans quoi ils ne pourront pas traverser l’épreuve qui les attend.
- Il les invite aussi à croire qu’il ne les abandonnera jamais. Il va les quitter, mais Il reste le bon berger comme nous l’avons entendu tout au long de la semaine. Il connaît chacune de ses brebis par son nom, il marche à leur tête et elles le suivent. Et si l’une d’entre elles se perd, il est même capable de partir à sa recherche car chacune a du prix à ses yeux. Et Jésus ajoute ce matin : là où il s’en va, ceux qui croient en lui le rejoindront un jour. Son départ n’est pas un abandon, il part pour leur préparer une place; demain il reviendra pour prendre ses disciples avec lui. Là où je suis, vous serez vous aussi. En cette heure difficile, c’est la promesse qu’il leur fait, et qui leur assure qu’ils n’ont pas fait fausse route en le suivant. Rien ne va se briser du lien qui les unit.
- Jésus continue par ces mots : pour aller où je vais, vous savez le chemin. Et cela provoque la réaction assez vive de Thomas : nous ne savons même pas où tu vas, comment pourrions-nous savoir le chemin? C’est là une réaction de simple bon sens que Jésus sans doute attendait pour leur dire : moi, je suis le chemin, la vérité, la vie ; personne ne va au Père sans passer par moi.
- Et c’est là une révélation nouvelle. Si jésus quitte ses disciples, c’est donc pour rejoindre le Père i.e rejoindre Celui qui l’a envoyé, Celui dont il veut faire la volonté, Celui qu’il rencontre la nuit dans la prière suscitant leur étonnement. Et c’est donc aussi vers ce Père que Jésus veut emmener ses disciples quand il reviendra pour les prendre avec lui. Etre avec le Père, demeurer avec lui est le but de l’aventure dans laquelle ils se sont engagés avec lui.
Pour rejoindre le Père, Jésus leur révèle qu’il est le chemin, i.e celui qu’il faut suivre, celui dont il faut écouter la parole et la mettre en pratique, celui qu’il faut imiter en devenant à sa suite des serviteurs qui acceptent de laver les pieds de leurs frères. Jésus d’ajouter : personne ne va au Père sans passer par moi. Il n’y a pas d’autre chemin que lui. Parole mystérieuse qui pourrait nous faire croire que personne ne connaîtra le Père sans d’abord connaître Jésus. Mais c’est oublier que Jésus a plusieurs manières de se faire connaître. Quand il ne sera plus là, il enverra sur eux son Esprit qui sera sa présence au milieu d’eux… et son Esprit, il l’enverra aussi sur les païens, sur ces hommes qui ne le connaissent pas encore, mais qui le cherchent pourtant, quelquefois sans le savoir.
- Jésus est le chemin ; ses disciples sont prêts à l’admettre. C’est pour cela qu’ils le suivent depuis 3 ans. Mais Jésus va encore plus loin : mon Père près de qui vous serez avec moi, dès maintenant, vous le connaissez et vous l’avez vu. Et les disciples sont de nouveau perdus ; à mesure que Jésus parle, le mystère semble s’épaissir un peu plus. Et cela entraîne la question de Philippe : Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. Et il obtient cette réponse encore plus mystérieuse : depuis si longtemps que je suis avec vous, tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Je suis dans le Père et le Père est en moi. Nous sommes là au cœur de la foi à laquelle Jésus invite ses disciples. En lui, c’est Dieu qui se révèle. En lui, Dieu s’est fait l’un de nous. En lui, nous connaissons le Père et nous demeurons déjà avec lui.
Nous les disciples d’aujourd’hui, nous sommes invités à reconnaître en Jésus la présence de Dieu. Et comme les premiers disciples nous avons quelquefois de la peine à le croire. Comme Thomas et Philippe, nous sommes pleins de questions. Il nous faut demander au Seigneur de nous ouvrir le cœur à l’intelligence des Ecritures pour grandir dans la foi et témoigner de lui dans un monde qui doute de Dieu et qui, en même temps, le cherche désespérément, comme disait le pape Paul VI. Nous sommes invités à faire de Jésus la pierre angulaire sur laquelle nous construisons notre vie, comme nous l’a dit la lettre de Pierre. Nous avons à devenir les pierres vivantes de cette construction.
Mais comme les premiers disciples, nous sommes souvent bouleversés par ce que nous voyons et vivons. Des scandales éclaboussent notre Eglise ; nous avons le sentiment d’avoir été trompés par des personnes qui avaient notre confiance. A nous aussi le Seigneur vient nous dire ce matin : croyez en moi ; je suis pour vous aussi le chemin, la vérité, la vie. Nul ne va au Père que par moi. Quoiqu’il arrive, je demeure avec vous jusqu’à la fin du monde.
Seigneur, augmente en nous la foi, et la foi de tous nos frères chrétiens. Donne-nous le courage de témoigner de toi.
Amen