Témoignage de Benoît ancien coopérant

Bonjour à toutes et à tous,

Je m’appelle Benoît. Avec ma femme et ma fille nous sommes sur Saint Laurent depuis un peu plus d’un an. Si je suis là aujourd’hui, c’est que le Père John m’a proposé de témoigner de mon expérience de coopération en Afrique.

Entre 2009 et 2010, j’ai passé 2 ans à Douala au Cameroun en tant que volontaire DCC. La DCC, la délégation catholique pour la coopération est le service du volontariat international de l’Eglise de France.

Elle envoie des volontaires européens sur des missions de quelques mois à plusieurs années pour répondre aux besoins exprimés par leurs partenaires des pays en développement.

Qu’est-ce qui m’a amené à partir ? Une envie de me rendre utile assurément, de rencontrer des personnes différentes, de découvrir de nouveaux horizons également, et puis aussi de prendre le temps d’approfondir ma relation à Dieu.

Je suis donc parti au Cameroun, pays d’Afrique Centrale aux 200 ethnies différentes et dont les paysages vont du sahel semi désertique au Nord, aux luxuriantes forêts équatoriales au Sud : une Afrique en miniature, comme on le qualifie souvent.

Ma mission principale était à I’IST-AC, l’antenne de l’école d’ingénieur ICAM en Afrique Centrale. L’IST-AC a pour vocation d’oeuvrer au développement en formant des ingénieurs africains pour l’Afrique. En dernière année, les étudiants doivent réaliser une prestation de service pour une entreprise. Ma mission était ainsi de trouver des contrats puis d’encadrer les étudiants dans la réalisation des études. Une mission au contact d’une partie plus aisée de la population finalement. Un peu déstabilisant quand on s’imaginait travailler auprès des plus pauvres. Et pourtant c’était là qu’on avait besoin de moi et en discutant avec certains de mes étudiants qui étaient particulièrement remontés face à la situation de leur pays (corruption, entretien des infrastructures, gestion des déchets), j’ai compris que le sens de ma mission était là : participer à la formation technique et humaines des futurs acteurs du changement. Il n’empêche que j’étais content de voir arriver le mercredi où je passais la journée dans un orphelinat. Je faisais un peu de soutien scolaire, j’animais quelques jeux, je n’avais pas de rôle précis, je n’étais pas indispensable au fonctionnement :j’étais juste là. Et malgré tout, c’était à chaque fois des milliers de mercis qui m’étaient adressés à travers la parole d’une éducatrice, le sourire d’un enfant ou la confiance que m’accordait un« ado » :je repartais toujours regonflé à bloc.

Mes conditions de vie étaient équivalentes à celles de mes collègues camerounais de l’école d’ingénieur.

Avec un autre volontaire, nous habitions dans un quartier de la classe moyenne, loin des belles villas des expatriés et de la haute société camerounaise. Comme tout le monde, nous allions négocier notre tas de mangues au marché, nous allions au boulot en taxi collectif, nous avions nos habitudes dans tel ou tel boui boui pour manger un couscous de manioc ou un poisson braisé (avec les doigts bien-sûr !). Petit à petit ce nouvel univers est devenu le mien. Si bien que 18 mois plus tard, de retour d’un bref séjour en France, j’étais content de rentrer chez moi, chez moi à Douala. Mais il a fallu du temps pour en arriver là. Longtemps ça m’a pesé d’être appelé « le blanc » à tout bout de champ et de renvoyer une image particulière du fait de ma couleur de peau. Il m’a fallu apprendre à gérer avec les problèmes de sécurité inhérents aux grosses villes africaines, tout particulièrement la nuit.

j’étais content de rentrer chez moi, chez moi à Douala.

Et puis ces liens que je souhaitais nouer avec des camerounais ont pris du temps à se tisser. Mais petit à petit, en prenant le temps de la rencontre, en comprenant mieux nos différences culturelles, en sachant saisir des opportunités, j’ai pu bâtir de belles relations et entrer un peu plus dans la culture camerounaise. Je pense à Ibrahim, un chauffeur de taxi, qui m’invita dans sa modeste maison en planches pour partager le repas de l’Aï el Kebir. Je pense à Louis-Bernard, le docteur en Géographie qui m’a emmené à une fête traditionnelle, puis m’a présenté à sa maman encore vivante et à son père et ses ancêtres dont les cranes sont enterrés dans une case au village. Je pense à la soeur Marguerite, religieuse congolaise qui avait passé un peu de temps en France et sur qui j’ai pu compter lorsque le moral n’était pas trop là. « J’étais étranger et vous m’avez accueilli ».

Alors ces 2 ans finalement ? J’étais un peu parti avec l’idée de changer le monde ou tout du moins I’IST-AC ou l’orphelinat. J’ai en fait le sentiment d’avoir été comme un élément dans une machine bien huilée qui tournait déjà avant que j’arrive et qui continuera longtemps de tourner après mon départ, peut-être un peu mieux j’espère. Et pourtant, de manière discrète, le monde a changé par ces moments partagés entre des personnes qui n’auraient jamais dû se rencontrer. Et pourtant, de manière discrète, moi aussi j’ai changé, dans ce petit accent qui resurgit quand je croise un frère africain, dans cette tendance à parler un peu trop facilement de Dieu, dans ce nouveau regard sur la personne âgée et l’étranger.

Benoît Lasserre