
Annonces pour la paroisse Bienheureux-Marcel-Callo
Partage de la Parole
La liturgie de ce dimanche nous propose une partie seulement du psaume 64 : ce sont les versets 10 à 14 qui sont les derniers. Et ils sonnent comme une heureuse et tranquille contemplation de la nature. Mais il ne faut pas s’arrêter là, car, avant ceux-ci il y a neuf autres versets qui parlent de tout autre chose. Et ce sont ces neuf versets qui donnent la véritable dimension de ce psaume.
Je vous donne le premier verset : « Il est beau de te louer, Dieu, dans Sion, de tenir ses promesses envers toi, qui écoutes la prière. » (Au passage, Sion, c’est le deuxième nom de Jérusalem). De quelles promesses s’agit-il ? De celles que l’on a faites quand on était en exil à Babylone, au sixième siècle av.J.C. Là-bas, on avait fait un vœu : Si Dieu nous libère de cet exil forcé et nous ramène en Israël, alors on fera la fête au temple de Jérusalem. Ce psaume est donc ce qu’on appelle un ex-voto : il a été composé au retour d’Exil pour rendre grâce pour la libération accordée par Dieu. Vous voyez qu’on est loin d’un simple chant sur les bienfaits de la pluie et du retour des saisons !
Cette libération est vécue comme un pardon : à l’époque, l’Exil a été considéré comme un châtiment pour les fautes du peuple et de ses dirigeants ; le retour est accueilli comme un retour en grâce : Dieu efface notre passé de pécheurs. C’est le sens des versets suivants : « Nos fautes ont dominé sur nous ; toi, tu les pardonnes. » Au passage, il y a une phrase superbe que beaucoup d’entre nous connaissent car elle fait partie de la musique de certains requiems célèbres : « Jusqu’à toi vient toute chair avec son poids de péché » (« Ad te omnis caro veniet »).
C’est donc le peuple qui célèbre la fidélité de Dieu à son Alliance : « Heureux ton invité, ton élu : il habite ta demeure ! » Il faut entendre le poids de ces mots : « ton élu ». Sans aucun mérite de sa part, mais par pure grâce, par un choix délibéré de Dieu, ce petit peuple a été choisi, admis dans l’intimité de Dieu. C’est ce que l’on appelle « l’élection d’Israël ».
L’auteur du psaume propose ici une comparaison : au milieu du peuple d’Israël, il y avait une tribu privilégiée, celle des lévites ; elle avait une place à part, celle d’être consacrée au service exclusif de Dieu. Eh bien, la position du peuple élu au milieu des autres nations est comparable à celle des lévites au sein d’Israël. « Heureux ton invité, ton élu : il habite ta demeure ! Les biens de ta maison nous rassasient, les dons sacrés de ton temple ! »
Mais c’est également au cours de l’Exil à Babylone que l’on a pris conscience de la dimension universelle du projet de Dieu ; alors le peuple d’Israël a compris que son élection était en fait une mission, celle de messager auprès des autres nations ; quand les autres peuples verront que Dieu a sauvé Israël, ils auront la preuve que le Dieu d’Israël est le seul sauveur et ils se tourneront vers lui et alors ils possèderont la vraie joie, celle de connaître enfin Dieu. Cela nous vaut encore un autre verset magnifique : « Dieu notre sauveur » est « l’espoir des horizons de la terre et des rives lointaines ».
Avec le retour au pays, une vie nouvelle va commencer ; c’est une véritable re-création. C’est ce qui explique la fin du psaume : l’apparence bucolique des derniers versets (ceux qui ont été retenus par la liturgie) ne doit donc pas faire oublier le vrai thème de ce psaume qui est une action de grâce du peuple libéré. L’évocation des beautés de la nature n’est là que pour suggérer cette vie nouvelle : « Tu couronnes une année de bienfaits ; sur ton passage ruisselle l’abondance. »
Mieux même, la profusion des dons de Dieu dans la nature se prête admirablement bien à l’évocation des dons combien plus hauts et merveilleux, et plus encore de ses inlassables pardons. Ca r on a compris, déjà, que le jugement de Dieu est un jugement qui sauve.
Je crois que maintenant nous sommes prêts à entendre ce psaume en entier :
« Il est beau de te louer, Dieu, dans Sion, de tenir ses promesses envers toi, qui écoutes la prière. Jusqu’à toi vient toute chair avec son poids de péché ; nos fautes ont dominé sur nous ; toi, tu les pardonnes. Heureux ton invité, ton élu : il habite ta demeure ! Les biens de ta maison nous rassasient, les dons sacrés de ton temple ! Ta justice nous répond par des prodiges, Dieu notre sauveur, espoir des horizons de la terre et des rives lointaines. Sa force enracine les montagnes, il s’entoure de puissance ; il apaise le vacarme des mers, le vacarme de leurs flots et la rumeur des peuples. Les habitants des bouts du monde sont pris d’effroi* à la vue de tes signes ; aux portes du Levant et du Couchant, tu fais jaillir des cris de joie. Tu visites la terre et tu l’abreuves, tu la combles de richesses : les ruisseaux de Dieu regorgent d’eau : tu prépares les moissons. Ainsi tu prépares la terre, tu arroses les sillons ; tu aplanis le sol, tu le détrempes sous les pluies, tu bénis les semailles. Tu couronnes une année de bienfaits ; sur ton passage ruisselle l’abondance. Au désert les pâturages ruissellent, les collines débordent d’allégresse. Sur ton passage ruisselle l’abondance : Les herbages se parent de troupeaux et les plaines se couvrent de blé. Tout exulte et chante ! »
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Note
* – « Effroi » ici ne veut pas dire épouvante : c’est un mot du vocabulaire de cour qui signifie que, désormais, Dieu est reconnu comme le grand roi sur toute la terre.
– Marie-Noëlle Thabut